
Un chiffre s’affiche partout, comme un mot de passe pour décrocher la meilleure affaire :,34 %. Pourquoi cette limite, et pourquoi maintenant ? Ce seuil, omniprésent sur les étiquettes, n’est pas le fruit du hasard ni d’un simple calcul marketing. Il trace la frontière entre la séduction commerciale et la loi, entre l’ingéniosité des enseignes et les garde-fous imposés par le législateur.
Plan de l'article
Pourquoi voit-on fleurir des réductions de 34% en ce moment ?
Depuis le 1er mars 2024, la loi Descrozaille a posé un nouveau cadre : impossible de dépasser 34 % de remise sur les produits non alimentaires. Derrière ce chiffre, une volonté : limiter la pression que les géants de la distribution imposent aux fournisseurs et industriels. Résultat, Carrefour, Intermarché, Système U et tous les autres se sont engouffrés dans la brèche. Les rayons multiplient les offres à,34 %, surtout sur l’hygiène, la beauté ou l’équipement de la maison. Une parade pour séduire les consommateurs qui surveillent chaque dépense, éreintés par l’inflation et inquiets pour leur pouvoir d’achat.
Les enseignes n’ont pas attendu l’entrée en vigueur de la loi pour réagir. Alexandre Bompard, patron de Carrefour, a déclenché une vague de remises spectaculaires, parfois jusqu’à 80 %, pour profiter une dernière fois de l’ancien système. Pendant ce temps, dans les arrières-salles, les voix comme celle de Dominique Schelcher (Système U) dénoncent une règle qui, selon eux, pénalise des clients déjà mis à mal par la hausse des prix. Leur demande de repousser la réforme d’un an ? Elle est restée lettre morte.
Olivier Dauvers, analyste reconnu du secteur, met en lumière un paradoxe : cette nouvelle réglementation, qui devait protéger les plus petits acteurs, renforce finalement le pouvoir des grands groupes industriels du non-alimentaire. De son côté, la DGCCRF a renforcé ses contrôles et surveille de près les nouvelles pratiques promotionnelles.
Pour mieux comprendre les effets de cette législation, voici ce qui change concrètement :
- Le plafond légal : impossible de dépasser 34 % de remise sur les promotions non alimentaires
- Les produits principalement concernés : hygiène, beauté, entretien, équipement domestique
- L’équilibre à trouver : ménager à la fois les fournisseurs et le pouvoir d’achat des ménages
Les coulisses de la fixation des pourcentages de remise
Ce taux de 34 % n’a rien d’anodin : il reflète des années de bras de fer entre distributeurs et fournisseurs. La loi Descrozaille vise à rééquilibrer les rapports de force, notamment en faveur des industriels et PME qui peinent à négocier face à la grande distribution. Ce seuil sur le non-alimentaire fait suite à la loi Egalim de 2018, qui avait déjà durci les règles sur les promotions alimentaires, avec le fameux SRP+10 qui relève le seuil de revente à perte.
Pour contourner la limite, les enseignes rivalisent de créativité. Bons d’achat valables sur le panier entier, promotions soumises à des quantités minimales, cagnottes fidélité créditées sur la carte : autant de dispositifs qui échappent à la règle tant qu’ils ne ciblent pas un seul produit. La DGCCRF l’a précisé : ces méthodes restent acceptées, à condition de ne pas dépasser la remise unitaire autorisée.
Quelques exemples illustrent bien ces nouvelles tactiques :
- Des promotions à 50 % sur tout un rayon, à condition d’atteindre un certain montant d’achat
- Des affichages de,68 % répartis sur deux articles identiques, pour rester dans la limite des 34 % par pièce
Certains produits échappent à cette limitation : brosses à dents électriques, petit électroménager… Pour eux, les enseignes peuvent se permettre des rabais spectaculaires, jusqu’à 90 %. Mais derrière ces remises, ce sont souvent les fournisseurs qui assument le coût, ce qui fragilise particulièrement les plus petits. Le choix du pourcentage de réduction devient alors un exercice délicat, à la croisée des stratégies commerciales, des impératifs réglementaires et de la pression de la concurrence.
Ce que cette offre révèle sur l’évolution des stratégies commerciales
Les distributeurs n’ont pas eu d’autre choix que de s’adapter. Les anciennes recettes ne fonctionnent plus. Carrefour, Intermarché, Système U, tous ont revu leur copie. Les prospectus de janvier et février regorgeaient de remises chocs, signes d’une époque révolue. Chez Carrefour, Alexandre Bompard n’a pas hésité à proposer des réductions de,80 % sur certains produits non alimentaires : une ultime offensive avant le changement de cap légal.
Depuis le 1er mars, le jeu a changé. Les enseignes misent sur les bons d’achat valables sur l’ensemble du magasin, les cagnottes fidélité cumulables, les réductions étendues à tout un rayon ou à un lot. Ces dispositifs, plus difficiles à décrypter, permettent de rester dans les limites tout en conservant une attractivité commerciale.
- La DGCCRF valide ces pratiques tant qu’elles ne ciblent pas un produit en particulier.
- L’inflation pousse les distributeurs à se réinventer pour préserver le pouvoir d’achat de leur clientèle.
La guerre des promotions reste un terrain de jeu décisif, mais la loi redistribue les cartes. Les plus grands industriels semblent tirer leur épingle du jeu, parfois au détriment de la clarté pour le consommateur. Les réductions immédiates laissent place à des mécaniques promotionnelles plus sophistiquées : il faut désormais décoder les catalogues pour saisir les véritables bons plans. À chacun de s’adapter à cette nouvelle donne, sous le regard attentif des autorités et des géants du secteur.
La prochaine fois que vous apercevez un,34 %, rappelez-vous qu’il ne s’agit pas seulement d’une offre parmi d’autres, mais d’un signe des temps. Les règles changent, les stratégies évoluent, et derrière chaque étiquette se cachent des rapports de force bien réels. À qui profite vraiment la réduction ? La question reste ouverte, et la partie ne fait que commencer.



























































